NDDL - Lettre ouverte de Françoise Verchère au ministre de l'intérieur

12180_606629359427631_246209259_n.jpgLettre ouverte de Françoise Verchère, conseillère générale de
Bouguenais-Rezé (banlieue sud de Nantes, proche de l'aéroport Nantes
atlantique) au ministre de l'intérieur, suite à la manifestation de samedi
et ses suites.
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Monsieur le Ministre de l’Intérieur,
Je vous ai entendu commenter dès samedi soir les événements en marge de la manifestation contre l’aéroport de Notre Dame des Landes et vos propos appellent de ma part quelques réactions et aussi plusieurs questions.
Sur les chiffres d’abord : vous avez parlé de 1000 casseurs et de 20 000 manifestants dont vous avez dit qu’il fallait les différencier des premiers. Je crois décidément que vos services ont un problème avec le calcul car nous étions beaucoup plus de manifestants et il y avait beaucoup moins de casseurs : disons qu’on pourrait diviser le premier chiffre et multiplier le second par deux au moins pour approcher de la vérité. Mais dans cette affaire d’aéroport, la vérité est décidément malmenée depuis longtemps…
Sur les fameux casseurs : je vous avoue que j’ai été très surprise de comprendre que vos services les connaissaient visiblement bien (vous avez donné des précisions sur leur origine, leur positionnement politique) et même qu’ils savaient ce qui allait se passer. Depuis deux jours, les bruits couraient sur des incidents à venir ; les avocats savaient qu’ils risquaient d’être réquisitionnés pour de nombreuses gardes à vue. Samedi matin, au moment où nous étions avec les tracteurs à l’aéroport de Nantes-Atlantique, les policiers présents nous ont spontanément parlé des « blacks blocs », en nous disant « qu’ils allaient gâcher notre manifestation ».
Je m’étonne donc que « les forces de l’ordre » n’aient pas été au fond plus efficaces puisque cela aurait dû être leur mission, n’est-ce pas ? Puisque l’on sait désormais interdire un spectacle avant même qu’il n’ait lieu, et puisque nous n’avons pas sur la ZAD 1000 casseurs ni blacks blocs, pourquoi ne les avez-vous pas fait arrêter avant leur arrivée ? J’imagine que s’ils sont si dangereux, vous avez certainement des preuves et même des faits graves à leur reprocher ?
Mais peut-être préfériez-vous les arrêter en flagrant délit ? Est-ce pour cela que vous n’avez pas fait protéger l’agence Vinci, située au tout début du parcours de la manifestation, pas plus que des engins de chantier Vinci aussi (car Vinci est partout vous le savez, immobilier, parkings, aéroports…) dont vous saviez qu’ils seraient forcément des cibles ? Est-ce pour cela que la Préfecture n’a autorisé qu’un parcours ridiculement petit, jamais vu jusque là ? Est-ce pour cela que les échauffourées localisées dans un périmètre pourtant restreint ont duré plusieurs heures ? Et au bout du compte combien y a-t-il eu d’interpellations ? Une douzaine seulement…C’est assez curieux et à vrai dire difficilement compréhensible alors que les moyens déployés étaient impressionnants, en hommes et en matériel anti-émeute, alors que la fermeture du centre ville était inédite, alors qu’il y avait vraisemblablement des hommes à vous des deux côtés.
Évidemment les images de « la guérilla urbaine » dont vous avez parlé seront reprises à l’envi plus que celles du char-triton, des 520 tracteurs présents ou des nombreuses familles manifestant paisiblement. Évidemment, cela permettra d’occulter une fois encore le fond du dossier, évidemment le chœur des partisans de l’aéroport poussera des cris horrifiés en rejetant la responsabilité sur les organisateurs de la manifestation.
Organisateurs qui ont pourtant tenté d’éviter l’affrontement en interposant des tracteurs entre l’imposant mur de fer érigé et ceux qui voulaient effectivement en découdre.
Organisateurs dont le métier n’est pas d’assurer l’ordre, vous en conviendrez et à qui il serait malvenu de demander de faire mieux que vous… Organisateurs particulièrement choqués, en tout cas, par les propos du Préfet de Loire-Atlantique qui n’a pas hésité à affirmer que nous « opposants historiques » devions cesser « d’être la vitrine légale d’un mouvement armé ». Je me suis pincée pour y croire…encore un peu de temps et nous finirons nous-mêmes par être tenus pour de dangereux terroristes alors que nous avons participé loyalement au débat public, et à toutes les commissions mises en place. Débat déloyal puisqu’il y a une « vérité officielle » intangible même quand elle est contraire aux faits, aux chiffres et à la réalité. Le Premier Ministre ne reconnaît la validité que de la commission du dialogue à qui il avait donné mission de valider à nouveau le projet, mais refuse de regarder les conclusions accablantes de la commission des experts scientifiques au regard de la loi sur l’eau. Comment croire encore à la parole de l’État ?
En réalité, Monsieur le Ministre, tout cela est très lisible et vieux comme le pouvoir.
Pour discréditer notre combat, et tenter de retourner l’opinion publique qui nous est aujourd’hui favorable, on fera appel à la peur du désordre, on utilisera l’image, déplorable je vous l’accorde, des dégradations commises par les méchants casseurs et on justifiera ainsi une nouvelle opération policière pour aller enfin nettoyer la ZAD de ses « délinquants dangereux », en même temps que de ses tritons et de ses paysans. Il faudra mettre les moyens (ils sont mille, ne l’oublions pas, et les tritons innombrables…) mais vous y êtes peut-être prêts pour que « force reste à la loi »? Permettez-moi de vous le déconseiller car pour que nous, citoyens, acceptions désormais cette clef de voûte théorique de la société, (« la seule violence légitime est celle de l’État »), il faudrait que l’État soit irréprochable, que la loi soit juste et que ses représentants soient dignes du mandat que nous leur avons confié. Vous avez compris, je pense, que ce n’est pas le cas depuis longtemps.
Depuis deux jours, j’ai lu et entendu que le centre ville de Nantes était « saccagé », qu’un commissariat avait été « dévasté », qu’il faudrait du temps pour « panser les plaies de la ville », que les dégâts ne pouvaient pas encore être chiffrés, autant dire que c’était l’apocalypse. Les mots eux-mêmes sont visiblement sens dessus dessous... Puis-je vous suggérer de venir à Nantes pour juger de la situation ? Aujourd’hui dimanche, flottait certes une petite odeur de gaz lacrymogène, mais le tramway roulait et les nantais flânaient. Je ne nie pas les poubelles brûlées, les pavés arrachés, les vitrines brisées et les murs maculés dans le secteur des affrontements. Je déplore ce vandalisme d’autant plus que nous dénonçons par ailleurs le gaspillage d’argent public qu’induirait le transfert de l’aéroport !
Mais je voudrais aussi vous rappeler que samedi des personnes âgées, des enfants ont été noyées sous les lacrymogènes. Et qu’un jeune manifestant a perdu un oeil à cause d’un éclat de grenade assourdissante. Ce n’était pas un casseur. Et cela nous rappelle le même malheur survenu déjà à Nantes, à cause d’un tir tendu de flash ball lors d’une manifestation sans violence devant le Rectorat. Les aubettes seront reconstruites, cela fera même monter le P.I.B mais ce jeune restera, lui, marqué à jamais. Cela m’interroge sur la manière dont les forces de l’ordre utilisent leurs armes et me scandalise davantage que la casse matérielle. Et demain, si le gouvernement persistait dans son projet d’aéroport, la destruction du bocage de Notre Dame des Landes et de la vie qu’il abrite serait elle aussi irréversible.
Il faut arrêter un projet désormais dans l’impasse et régler le problème en prenant la seule décision raisonnable : respecter la loi sur l’eau, améliorer l’aéroport de Nantes-Atlantique et rendre sa sérénité à Notre Dame des Landes pour que la ZAD redevienne une campagne où vivre et travailler. Vous pourrez ainsi, Monsieur le Ministre, vous consacrer aux blacks blocs si vous le jugez indispensable.
Dans l’espoir de votre réponse, je vous assure de mes salutations les plus distinguées,
Françoise Verchère,
Conseillère générale de Loire-Atlantique

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CafDv

Author: CafDv

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Commentaires (1)

ROUSSEAU lionel ROUSSEAU lionel ·  28 février 2014, 20:24

Je suis scandalisé par les propos que vous avez tenu dans cette lettre adressée au Ministre de l'Intérieur, propos que je qualifierai au mieux d' "insensés", au pire d' "irresponsables". Je suis professeur d'histoire-géo et d'éducation civique (j'insiste sur le sens du mot "civique") dans un collège-lycée de Nantes et je me bats à longueur d'année scolaire, notamment lorsque j'aborde en cours le thème "République et citoyenneté", en 3ème ou "La liberté et ses limites", en 4ème, pour inculquer aux élèves la notion de citoyenneté et le respect de la loi, à partir du moment où elle a été votée par les représentants du peuple français. Et vous, élue de la République qui, à ce titre, devriez montrer l'exemple, qu'écrivez-vous? Je vous cite: "les aubettes seront reconstruites, cela fera même monter le P.I.B."! Les bras m'en tombent! Évidemment, pour faire bonne mesure, vous "déplore(z) ce vandalisme". En réalité, non seulement vous minimisez les destructions, mais d'une certaine manière, vous les cautionnez puisque, à vous entendre, ce serait bon pour la croissance! Ensuite, vous vous "scandalise(z) de "la manière dont les forces de l'ordre utilisent leurs armes", sous prétexte que "des personnes âgées, des enfants, ont été noyés sous les lacrymogènes" et "qu'un jeune manifestant a perdu un œil à cause d'un éclat de grenade assourdissante" (pas un mot sur les blessés parmi les forces de l'ordre qui, j'imagine, sont "le cadet de vos soucis"). Mais dans quel monde vivez-vous? celui des bisounours? Ma femme est vénézuélienne, je connais bien ce pays pour y être allé plusieurs fois: là-bas, la police (ou l'armée) tire à balles réelles sur les manifestants (comme en Ukraine), contre les étudiants en ce moment par exemple. Alors, les policiers français en général et ceux qui étaient à Nantes samedi en particulier, qui ont du faire face à ces "vandales", à ces "barbares encagoulés", sont de "doux agneaux", d'"aimables plaisantins", comparés à la "Policia militar" ou à la "Guardia civil" du Venezuela! Ces forces de l'ordre, à qui vous reprochez leur manque d'efficacité lors de la manif, vous voudriez en même temps, dans une vision manichéenne des choses qui sied bien à votre parti (les "bons manifestants", défenseurs de l'environnement et de la vie à la campagne d'un côté, les "méchantes forces de l'ordre, sous l'autorité de Manuel "Vador" Valls de l'autre), les faire passer pour des sortes de "Berkout à la française". Bref, l'art de dire tout et son contraire! Vous prétendez également que "l'opinion publique (vous) est aujourd'hui favorable", à vous les anti-aéroport. Sans rire? Comme vous le savez certainement, il y a plus de 1255900 habitants en Loire-Atlantique. Or, combien étiez-vous samedi? 20000?40000?50000? Et alors? Auriez vous été 100 000 que vous n'en restez pas moins minoritaires, ainsi que le nombre d'élus du Grand Ouest opposés à l'aéroport (liste publiée dans "Dimanche Ouest-France" du 23 février). La vérité, c'est que vous menez un combat d'arrière-garde: empêcher que "la destruction du bocage de N.D. des Landes et de la vie qu'il abrite (ne devienne) irréversible" (je vous cite). Sans rire? Moi qui suis Vendéen d'origine, du bocage qui plus est, je peux vous dire qu'il n'y a pas beaucoup de Vendéens qui regrettent qu'on ait détruit leur "cher bocage" pour désenclaver la Vendée, grâce à la liaison Angers- La Roche-Les Sables! Tant qu'à faire, vous qui tenez tant au "bocage", vous pourriez aussi dénoncer le remembrement cher à certains agriculteurs (vos alliés de circonstance, qui ont "montré leurs muscles" ou plutôt leurs tracteurs samedi dans les rues de Nantes), remembrement qui, depuis plusieurs décennies, a fait bien plus de dégâts en Vendée et en Bretagne que n'en fera jamais un éventuel aéroport à N.D.des Landes. Vous et votre parti, ainsi que E.E.L.V., vous vous mobilisez avec acharnement "pour que la Z.A.D. redevienne une campagne où vivre et travailler", selon vos propres termes. Mais cette Z.A.D. est devenue une véritable zone de non-droit, où l'on ne peut plus circuler en toute sécurité, où des personnes, que vous soutenez, occupent illégalement des terrains, tout cela, vous le savez! Là encore, bel exemple de civisme républicain que vous donnez aux collégiens ou aux lycéens! A ce propos, je vous invite à lire (ou à relire) l'éditorial de Michel Urvoy, paru dans "Ouest-France" du 24 février, intitulé "le droit contre la force". Il y développe les mêmes arguments que je vous oppose aujourd'hui et sur lesquels vous devriez méditer: le respect de l'état de droit, qui signifie que "l'on ne peut pas s'approprier un espace qui ne vous appartient pas", le fait que "la liberté de contester s'arrête là où commence le respect de l'intégrité physique des personnes et des biens", le fait encore que "la décision de construire un aéroport pour le Grand Ouest n'est pas un diktat décrété par un illuminé", mais qu' "elle résulte d'années de débats, d'études, de votes et de recours juridiques qui, pour l'instant, ont tous été levés au niveau local, national et européen". Fermez le ban! Comprenons nous bien: je n'ai pas d'action chez "Vinci" et je ne suis pas un "pro-aéroport à tout crin". Simplement, je déteste qu'une minorité (car je persiste et je signe, vous êtes une minorité) veuille imposer à la majorité silencieuse (les pro-aéroport et ceux qui y sont indifférents, certainement les plus nombreux) la politique du fait accompli. En ce sens, vous relevez selon moi de la même catégorie de gens au "mariage pour tous", qui, parce qu'ils étaient 80 000 à vociférer, ont réussi à faire reculer le gouvernement sur le "projet de loi famille". J'aurais aimé que le Parti de Gauche et E.E.L.V. se mobilisent avec le même empressement et j'allais dire le même "acharnement" dont vous faites preuve avec l'aéroport, pour ne pas abandonner la rue au "Printemps français", à "Civitas" et à tous ces réactionnaires. Or, on ne vous a pas vu défiler à l'époque contre tous ces gens autrement plus dangereux que "Vinci", comme on ne vous a pas entendu non plus dénoncer les 20 000 extrémistes qui faisaient la quenelle, criaient des slogans antisémites ou envoyaient François Hollande se faire "sodomiser" sur l'air des lampions! Il est là le VRAI DANGER, il est là le VRAI SCANDALE, et non pas dans la construction d'un aéroport, aussi coûteux soit-il. Au fait, pourquoi ne dénoncez vous pas aussi la construction de nouveaux stades et la rénovation de plusieurs autres en vue de l'Euro 2016 organisé en France, pendant que vous y êtes? Cela aussi va coûter des centaines de millions d'euros, prendre la place de terres agricoles (sans doute même de meilleure qualité que les prés de N.D. des LANDES!!!) et qui sait, saccager le bocage?
Lionel Rousseau, "petit prof" du secondaire, qui vous salue bien.


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