1 74 09 99 192.168.0.1 en procès pour lire et soutenir la presse libre
Publié le mardi 23 juin 2015, 16:14 - ◊ REPRESSIONS - Lien permanent
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Texte de la personne inculpée de "provocation à la commission d’un crime ou délit" pour un article publié sur iaata.info.
1 74 09 99 192.168.0.1 en procès pour lire et soutenir la presse libre
Je
suis 1 74 09 99 192.168.0.1. Je risque 5 ans de prison et 40 000 euros
d’amende parce que je suis lecteur et solidaire de la presse libre…
Je suis 1 74 09 99 192.168.0.1.Parce que ce sont des traces numériques
que le grand filet de la surveillance a relevées, des traces d’appareils
électroniques.
Je suis 1 74 09 99 192.168.0.1.Parce que je suis un parmi d’autre, des
femmes et des hommes, qui ont plus à craindre qu’à espérer de l’action
de l’Etat.
Je suis celui qui « faisait l’apologie de la violence » [1], qui rédige le « vade-mecum du parfait casseur » [2].
Pour les 755 000 lecteurs et lectrices de la Dépêche je serai toujours
« un homme de 40 ans, qui avait incité sur un site internet à commettre
davantage de casses… » [3].Et
ce au mépris d’un certain nombre de règles légales, la présomption
d’innocence par exemple. Mais combien cela me coûterait-il de porter
plainte ? Pourquel résultat au final ? Est-ce que cette justice qui
m’attaque est capable de me défendre ? J’en doute.
Je suis 1 74 09 99 192.168.0.1. La police est venue me chercher à 6h30
du matin. J’ai passé 10 heures dans une geôle qui sentait l’urine, ils
ont menacé de venir chercher mon fils au lycée, de m’inculper pour
apologie de terrorisme… Parce que je lis et que je soutiens la presse
libre.
Presse libre parce que libérée des intérêts marchands. Presse libre
parce que diverse et déterminée, ancrée localement au plus près des
luttes. Une presse qui ne me dit pas quoi penser mais qui me donne à
voir, à comprendre, en prenant clairement position.
L’espace médiatique est la grande scène où se situent les scènes
principales de la vie collective ; elle lescompose et elle les reflète. [4]
Sans ces sites internet, ces radios libres, ces journaux il y a tout un tas de choses que je n’aurais sans doute jamais sues. Quelques exemples : Bilal Nzohabonayo tué par la police et qui a été présenté tout d’abord comme djiadiste, c’est grâce au travail du site le Rotative.info que la version policière sera démentie ; les circonstances réelles de la mort de Rémi F. sont révélées dans leur intégralité par Reporterre avant que cela soit admis officiellement ; la grève de Radio France en février qui annonçait la plus longue grève de la radio publique de son histoire a été relayée sur Canal Sud et d’une manière générale, ce sont des medias libres qui relaient les paroles des personnes qui luttent. La richesse et la diversité de cette presse est incommensurable. Si je n’ai plus la presse libre je deviens à moitié aveugle. Mon monde n’est plus exprimé que par des artistes et des journalistes, des économistes et des experts, avec qui j’ai, socialement, peu de chose à voir. Cette presse là, ne me donne pas de prise sur le monde qui m’entoure. Au contraire, cette information me le rend distancié, flou, parce que sans correspondance avec ma vie et mes préoccupations. Comme si ce que je vivais n’avait pas de consistance collective. Le monde semble vivre à mille lieux de mon expérience concrète, du chômage, de la précarité, de l’injustice que je constate autour de moi.
À la façon des lunettes, les journaux fabriquent des non-vu à partir duquel le monde est vu [5].
Ces derniers mois ont eu lieu de nombreuses manifestations à
Toulouse. Systématiquement la presse locale et nationale a titré sur les
« violences », le verre brisé, les courses poursuites. Ça manquait
cruellement de certains détails. J’ai vu 500 policiers pour 300
manifestant.e.s, j’ai vu la violence et le mépris vis à vis de tout ce
qui ne portait pas d’uniforme. J’ai vu des hommes cagoulés, armés,
bloquer des rues. J’ai vu des citadin.ne.s gazé.e.s sans distinction.
J’ai vu les condamnations judiciaires pleuvoir sur des personnes
arrêtées au hasard. J’ai vu les entorses à la procédure. J’ai vu la
violence du maintien de l’ordre.
Je n’ai rien lu de tout cela dans la presse dominante [6].
Il n’y a que la presse libre qui s’en est fait le relais.. C’est
seulement là que j’ai perçu que je n’étais pas seul à être scandalisé et
en colère. Au bout de ces mois d’occupation policière et de procès
expéditif, comme si cela ne suffisait pas, je me retrouve moi aussi pris
dans la machine judiciaire.
Je sais que mon cas n’est pas isolé. Je sais que beaucoup, qui comme
moi, luttent pour un monde débarrassé de l’exploitation et des
dominations, connaissent la prison, les vexations, les mutilations… Je
sais que beaucoup, parce qu’ilelles sont au mauvais endroit au mauvais
moment, parce qu’ilelles ont la "mauvaise" couleur de peau, le mauvais
passeport, parce qu’ilelles sont pauvres, connaissent aussi la prison,
les vexations, les mutilations…
Je sais que ce système repose sur une part non négligeable de violence
légale. Je le sais parce que je le vis, mais aussi parce que je peux
connaître des cas semblables, savoir ce que beaucoup vivent. Parce que
je lis la presse libre.
Est-il donc absolument impossible d’opposer aux puissances de l’élimination l’organisation des éliminés ? [7]
Ces sites, ces radios, ces journaux sont une organisation concrète
des éliminé.e.s, des exploité.e.s, des dominé.e.s, des opprimé.e.s. Et
c’est pour ça qu’on les attaque, qu’on veut les faire taire.
Je suis 1 74 09 99 192.168.0.1. Je risque 5 ans de prison et 40 000
euros d’amende pour faire taire la solidarité et la presse libre !
Quelques exemples de presse libre :
Rebellyon, Paris-Luttes.info, Brest-Info, Renverse.ch, la Rotative, Reims médias libres,IAATA ; Rennes Info, le Jura libertaire, « Article 11 », Soyons sauvages, Espoir Chiapas, Collectif Bon pied bon oeil, Atelier médias libres, Courant Alternatif, Editions Acratie, Panthères enragées, Primitivi, éditions Albache, « Jef Klak », le Numéro Zéro, La Brique, « La Lettre à Lulu », Révolte numérique, Radio Zinzine, zad.nadir.org, Contre-faits, collectif Ciné 2000, l’Actu des luttes (FPP), Journal Résister (Nancy), Revue Lutopik, Le collectif Contre Les Abus Policiers - C.L.A.P33, L’Orchestre Poétique d’Avant-guerre O.P.A., L’Envolée pour en finir avec toutes les prisons, Lundi Matin, Radio Canut, Lignes de force, Demain le Grand Soir, Archyves, Revue « Z », Le Canard sauvage, Indymedia Nantes, Hors Sol Confusionnisme.info, Mille Babords, Iacam, « La Gazette de Gouzy », « le Monde libertaire », Regarde à Vue, radio Canal Sud, La Horde, radio La Locale (Ariège), le collectif de Infoaut, éditions Entremonde, éditions Libertalia,Acrimed, radio Bartas (Lozère), la plate-forme Antifa-net.fr, Les Morback Vénères, CQFD journal, Indymedia Lille…
Notes
[1] La dépêche du vendredi 8 mai 2015 page 21
[2] 20 minutes.fr en ligne le 07 mai 2015
[3] La dépêche op.cit.
[4] Georges Balandier, Le pouvoir sur scènes, Paris, Fayard, 2006, p. 163.
[5] Patrick Champagne, Faire l’opinion : lenouveau jeu politique, Paris, les Éd. de Minuit, coll. « Le Senscommun », 1990, p. 244
[6] Avec quelques exceptions notables le plus souvent des tribunes ou des blogs périphériques (le monde, médiapart)… Finalement des points de vue qui ne rentre pas dans la catégorie « information ».
[7] B. Brecht Théorie de la radio 1932 La radio appareil de communication. Discourssur la fonction de la radio
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