L'école que nous voulons. Oui, mais pour quelle société ?
Publié le mercredi 18 février 2009, 09:33 - modifié le 08/03/24 - ◊ ÉDUCATION - Lien permanent
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Je réagissais à l'initiative des collègues pour leur débat autour de la question quelle école voulons-nous. Je trouvais ça très important et essentiel d'en passer par le débat et de ne pas s'en tenir qu'à des propositions.
Car dans mes échanges avec des citoyens landa, je m'aperçois que beaucoup pensent qu'en obligeant les enseignants à changer leurs pratiques, leurs programmes, ils pensent qu'on va aider les enfants à changer, à retrouver un bon niveau en lecture, en orthographe ...., et ce que ça vient dire de manière sous-jacente (mais ça n'est pas dit). C'est ainsi qu'ils retrouveront des valeurs, des principes, bref ce qui vient orienter, contenir, donner du sens à notre existence et aider les enfants à se construire, ce qui "a foutu le camp ".
Alors qu'ils se leurrent. Les enfants ont changé ; non à cause des enseignants de ce pays qui seraient moins exigeants. Les enfants ont changé parce que notre société a changé. Nous avons une société de l'image, une société de consommation qui a, entre autres, pour conséquence de rabattre la question de l'être sur l'avoir. Il est frappant de voir comment beaucoup d'adolescents que je rencontre en consultation se présentent à travers des objets : dernier portable, leurs Nike .... Ce n'est pas seulement qu'ils se servent d'objets pour rencontrer l'autre ; non, c'est que ces objets disent quelque chose de leur identité, de ce qu'ils sont !!! Là où nous, nous refaisions le monde pour nous construire, devenir des adultes, comment se démerdent-ils eux pour devenir adultes ? Aujourd'hui, dans notre société, "tu existes si tu consommes" ; pas si tu as des valeurs, pas si tu es.
Et ça a des conséquences dramatiques sur la construction des enfants (on en fait le constat tous les jours dans le médico-social où on n'a jamais vu autant d'enfants déstructurés, démunis sur la question de l'être et même pour les enfants moins perturbés : des grosses difficultés à se concentrer, à passer par l'écrit). Et on pourra changer tous les programmes qu'on veut, remettre les enseignants "dans le rang", ça n'y changera rien.
Par contre, plutôt que de désigner le mauvais objet, (là, ce sont les enseignants mais à d'autres moments, par exemple dans le médico-social, ce sont les parents) il est urgent d'échanger, d'essayer de comprendre ce qui s'est passé. Nous avons tous, sans le réaliser, marché dans ce système et donc nous sommes tous responsables (s'il faut trouver absolument un responsable) de ce qui est advenu. (C'est ainsi que notre président a été élu ; en nous divisant les uns les autres, en désignant des boucs émissaires, des responsables. Et, le pire, ce n'est pas qu'il l'ait tenté, non c'est qu'il y ait réussi. Du coup, on ne peut régler la question des agissements de notre gouvernement simplement en désignant notre responsable : Sarko et ses sbires. Mais ça nous convoque chacun à la réflexion : comment en sommes-nous arrivés là ? Et il ne tient qu'à chacun de nous de nous retrousser les manches, de réinventer un "vivre ensemble" à partir des fondamentaux, du dialogue, de la rencontre.
Ce n'est pas simple, cela prendra du temps. Et ça ne m'étonne pas que cette question de l'école soit l'occasion de ce grand débat de société. Car l'école est un de ces fondamentaux de notre société et lorsqu'on pose la question : "quelle école nous voulons ?" suit presque aussitôt une autre question : "pour quelle société ?"
J'ajouterais peut être deux choses.
-Une sur l'analyse que j'ai trouvé très intéressante d'un psychanalyste, JP Lebrun et d'un philosophe, Patrick Viveret, qui, comme ça de tête parlaient de la fin d'un monde où le lien social était organisé de manière pyramidale, sur un modèle religieux avec des maîtres, des dieux qui venaient nous dire comment vivre, comment nous conduire. Nous avons envoyé ça balader et c'est une bonne chose. Mais aujourd'hui, comment faire pour reconstruire des repères nécessaires qui viendraient donner du sens à notre existence, aider à se construire. Ce que je sais, c'est que cette réinvention des repères passera logiquement par un vivre ensemble, retrouver un lien social, des choix de société. Enfin, il faudrait que je me replonge dans mes notes mais c'était vraiment instructif. D'ailleurs, pourquoi pas imaginer d'inviter des gens comme eux qui nourriraient notre réflexion et nous la leur ...
-La 2° chose qui me frappe mais que je n'ai pas abordée l'autre soir, c'est comment notre société de consommation est entrée dans ce qui est constitutif de l'être humain. Ainsi le rapport au désir : il n'y a désir que parce qu'il y a un manque, une incomplétude inhérents à l'être humain. Or, quel message donnons-nous dans notre société ? La complétude existe. Il suffit d'acquérir tel objet, vous serez comblés. Et quand vous l'avez, il y en a un autre à désirer. C'est sans fin, et ça a un effet mortifère et qui surtout dénie le manque, la frustration. Or, la seule façon de faire avec le manque c'est de l'accepter, d'aider les enfants à se l'enquiller. Notre société moderne, avec ses progrès scientifiques et technologiques et l'usage qu'il en est fait dans la société de consommation, laisse croire que tout est possible, qu'on peut tout. Or ça n'est pas vrai et les gens du coup ne s'arment pas. J'aime beaucoup cette citation de Gandhi :"Il y a suffisamment de ressources pour répondre aux besoins de tous mais il n'y en a plus assez pour répondre au désir de satisfaction de chacun". Il ne s'agit pas de priver les gens mais de réaliser que le désir personnel est sans fin et que ça n'est pas en essayant d'y répondre que les gens s'en trouvent épanouis. Par contre, que se l'enquiller ensemble que c'est sans fin, ça aide.
Enfin voilà viteuf ce que je dirais, j'espère qu'on pourra reprendre ce débat …
Elsa Hybertie, le 30 janvier 2009
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