Après 48 années d'emprisonnement, Leonard Peltier va enfin pouvoir rentrer chez lui
Publié le vendredi 24 janvier 2025, 18:34 - ◊ DROITS DE L'HOMME - Lien permanent
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Fiche Wikipédia sur Leonard Peltier : https://fr.wikipedia.org/wiki/Leonard_Peltier
Ci-dessous, article de Mariane :

AFP Photos12.com - Collection Cin�ma
En prison depuis près de 50 ans : Leonard Peltier, ce militant amérindien (enfin) gracié par Joe Biden
Il était temps…
Par Emmanuel TellierPublié le
Les sympathisants et électeurs démocrates n'ont eu aucune raison de se réjouir ce lundi 20 janvier 2025, jour de passation de pouvoir à la tête des États (dés)Unis d'Amérique. Aucune ? Ah si, cette nouvelle inattendue : à la dernière minute, le président sortant Joe Biden a gracié le plus ancien détenu politique du pays, le militant indien anishinaabe/lakota Leonard Peltier, aujourd'hui âgé de 80 ans. Retour sur un destin tragique, sur fond de vieux relents racistes envers les occupants historiques des Grandes Plaines américaines.
C’est par l’intermédiaire d’une publication sur X de l’élue du Parti démocrate Deb Haaland qu’on a appris la nouvelle : le militant politique amérindien Leonard Peltier, incarcéré depuis 1976 pour deux meurtres dont il a toujours nié être l’auteur, a été gracié (et donc libéré) par le 46e président des États-Unis, Joe Biden, quelques heures avant l’investiture du 47e, un certain Donald J. Trump.
Mais avant de parler de lui, un mot sur elle. Deb Haaland n’est pas n’importe quelle élue : membre de la tribu Laguna Pueblo, au Nouveau-Mexique (proche de la ville d’Albuquerque), Haaland est devenue, en 2018, dans l’élan de la victoire de Biden, la première parlementaire issue des peuples natifs américains. Elle siégea donc au Congrès au sein de la nouvelle majorité ; puis, un an et demi plus tard, fut nommée par le président au poste de secrétaire de l’Intérieur des États-Unis, une fonction ministérielle importante au sein du cabinet présidentiel, avec notamment un rôle majeur à jouer sur les questions d’environnement et d’écologie.
On imagine que Deb Haaland, 64 ans, a passé une journée particulièrement plombante ce lundi 20 janvier, jour de l’investiture claironnante d’un Trump aux allures de cow-boy revanchard. Car non seulement la Démocrate va quitter son poste ministériel ce mardi 21 janvier, mais elle va aussi le voir occupé par son antithèse incarnée, un certain Doug Burgum, élu du Dakota du Nord, climatosceptique cinquième dan, aussi favorable aux forages et extractions de minerais et pétroles de schiste que Haaland y était farouchement (et courageusement) opposée. « Drill, baby, drill », s’est exclamé Donald J. Trump à la tribune, lundi 20 janvier, lors de son investiture à Washington. « Creuse, baby, creuse ! » Et tant pis pour les conséquences environnementales désastreuses…
Emprisonné, sans preuve, depuis 1976
Mais venons-en à Leonard Peltier. Pour les cinq millions de Native Americans vivant aux États-Unis (20 % à l’intérieur de réserves officielles et territoires protégés, 80 % partout ailleurs dans le pays), le militant emprisonné depuis presque cinquante ans est LA figure majeure de la résistance à l’oppression – certains observateurs allant jusqu’à faire le lien, en matière d’attachement symbolique à son histoire personnelle, avec Nelson Mandela, ou de manière peut-être plus pertinente, avec Bobby Sands.
Comme le militant républicain irlandais mort en détention en mai 1981, Peltier a toujours été considéré comme un prisonnier politique. L'organisation Amnesty International en parle ainsi depuis les années 1990, le faisant figurer dans sa liste de personnalités internationales qui « devraient être libérées immédiatement et sans condition ».
La vie de ce membre du American Indian Movement, organisation politique fondée au début des années 1970 pour défendre les droits civiques des Américains autochtones, a basculé le 25 juin 1975. Leonard Peltier, 31 ans à l’époque (80 ans aujourd’hui) se trouvait sur une route reliant deux lotissements de la réserve indienne de Pine Ridge, dans le Dakota du Sud. Citoyen de la tribu anishinaabe/lakota, une des branches ethniques sioux, Peltier était à bord d’une voiture en compagnie de deux autres militants lorsqu’ils furent rattrapés puis stoppés par des agents du FBI, persuadés qu’un jeune homme recherché après l’attaque de deux ranchs voisins se trouvait à Pine Ridge. Pour une raison inconnue, une fusillade éclata, et deux agents spéciaux furent tués. Jack R. Coler avait 28 ans, Ronald A. Williams, 27 ans.
Les contradictions d'une dénommée Myrtle Poor Bear
L’enquête qui suivit le drame fut entachée de nombreuses irrégularités. Les balles retrouvées dans le corps des agents tués ne correspondaient pas à l’arme que portait Peltier ; ces deux compagnons à bord du véhicule, eux aussi, furent arrêtés, mais c’est Peltier qu’on accusa du double meurtre, alors même que le seul témoignage contre lui, visuel, fut plus tard invalidé : une femme nommée Myrtle Poor Bear, souffrant de troubles mentaux, n’avait cessé de se contredire, avant d’expliquer – mais après le procès – que le FBI l’avait forcé à « charger » Leonard Peltier.
Lui-même s’avéra piètre défenseur de sa propre cause. Il changea de version plusieurs fois, expliquant ne pas avoir été sur les lieux de la fusillade, puis se rétractant lorsqu’il fut établi que ses empreintes digitales avaient été retrouvées sur le véhicule des deux agents tués, puis changeant à nouveau de récit, le tout après avoir pris la fuite vers le Nord, au Canada, ce qui n’arrangea pas ses affaires.
Extradé du Canada en février 1976, Leonard Peltier fut jugé et condamné à deux peines de prison à perpétuité. Il a passé plus de trente années dans un pénitencier du Kansas, puis a été transféré en Pennsylvanie en 2009. Depuis 2016, il était maintenu en détention dans une prison de Floride. Toutes ses demandes de libération conditionnelle ou d’aménagements de peines ont été systématiquement rejetées.
Bill Clinton ne tient pas parole
À l’issue de ses deux mandats présidentiels, Bill Clinton avait assuré qu'il « n'oublierait pas Leonard Peltier », mais il ne lui a finalement pas accordé la grâce présidentielle, malgré ce moment traditionnellement favorable que permettent les passations de pouvoir. Barack Obama, de la même façon, resta insensible aux demandes des nombreux soutiens de Peltier, qu’il s’agisse de figures politiques majeures – le Dalaï-Lama, Mikhaïl Gorbatchev, Mary Nelson Mandela, Desmond Tutu – ou d’artistes engagés, tels les superstars Pete Seeger, Robert Redford, Carlos Santana, la créatrice de mode Vivienne Westwood ou encore le groupe Rage Against The Machine.
Depuis les années 1990, à force de meetings, de levées de fonds et de chansons dédicacées (même le français Renaud y alla de son refrain, c'est dire !), la cause de Leonard Peltier prit une ampleur symbolique phénoménale aux États-Unis, au sein des différentes communautés Native Americans, mais aussi plus largement du côté de la gauche américaine.
En 2016, lors des événements de Standing Rock – au Dakota du Sud, justement –, les milliers de manifestants venus s'opposer aux sociétés pétrolières chargées de construire « le serpent noir » (un immense oléoduc, le Dakota Access Pipeline) au cœur des landes arides bordant le fleuve Missouri brandissaient des drapeaux à l'effigie de Leonard Peltier. Et l'un des groupes de discussion qui se réunissait chaque soir, autour d'un feu, après des heures de baston avec les forces de l'ordre, le faisait sous une immense bannière ornée de ce message en lettres rouge : « Libérez Leonard » !
Fait extraordinaire : depuis deux ans, l'ancien procureur fédéral James Reynolds, directement impliqué dans les actions de la justice américaine lors des enquêtes sur la fusillade de Pine Ridge en 1975, plaidait pour la libération de Leonard Peltier. En juillet 2022, il avait envoyé un courrier en ce sens à l’hôte de la Maison-Blanche :
« J’écris aujourd’hui d’une position rare pour un ancien procureur : je vous supplie de commuer la peine d’un homme que j’ai contribué à mettre derrière les barreaux. Avec le temps, et avec le bénéfice du recul, je me suis rendu compte que les poursuites et l’incarcération de M. Peltier étaient et sont injustes. Nous n’avons pas été en mesure de prouver que M. Peltier avait personnellement commis un quelconque délit sur la réserve de Pine Ridge. Je vous demande donc de tracer une voie différente dans l’histoire des relations du gouvernement avec ses Amérindiens en faisant preuve de clémence plutôt que de continuer à faire preuve d’indifférence. Je vous demande instamment de faire un pas vers la guérison d’une blessure que j’ai contribué à créer. » L'ancien procureur ajoutait ensuite : « Il semblerait juste que l'examen de la clémence pour M. Peltier soit priorisé et accéléré, afin que M. Peltier puisse retourner dans sa famille et vivre ses dernières années parmi les siens ».
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