Quand un économiste nous apprend à réfléchir
Publié le vendredi 29 octobre 2010, 21:44 - modifié le 26/01/12 - SOCIÉTÉ - Lien permanent
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Dénonçant la stratégie de laminage des services au public dans le but de jeter les usagers dans les bras d'opérateurs privés, Lordon interroge : "pourquoi risquer de braquer la population avec des mots qui blessent comme "capitalisation" quand il est possible tout en jurant la mission de "sauver la répartition" de la faire tomber comme un fruit mûr par de simples mesures d'âge qui instituent la décote comme règle et le taux plein comme exception. ? Eh bien oui, pourquoi ?
Les « réformateurs » comptent bien sur les effets de l’individualisme comme condition solitaire, où chacun par devers soi est abandonné à ses propres calculs, et n’a pas d’autre choix que de composer avec le système tel qu’il s’offre à lui, hors de sa portée. Le plus rigoureux défenseur de la répartition n’en pourra donc mais : constatant le devenir peau de chagrin de sa retraite, et faute de pouvoir payer la sur-cotisation de répartition qu’il appellerait de ses vœux, il n’aura pas d’autre solution pour échapper à la retraite misérable que d’aller mettre, contre ses propres principes, quelques picaillons dans une caisse quelconque… de capitalisation.
Lordon rappelle que la répartition, soi-disant ringarde, en organisant directement les transferts redistributifs de la solidarité intergénérationnelle, ne supporte que des coûts administratifs modérés, au contraire des fonds de pensions qui engraissent toute la chaîne du parasitisme financier et aboutissent à un pompage astronomique du portefeuille de la ménagère. L'exemple de HSBC en Angleterre est particulièrement parlant : pour 40 ans de cotisation à 200£/m (120.000£ avec les dividendes) HSBC prélève 99.000£ de commission...
Et pendant qu'aux Us la capitalisation expérimente les tares désastreuses de ce système inique, celui-ci est paradoxalement servi comme modèle en France... Cherchez l'erreur. Sa logique jusqu'au-boutiste l'enferre pourtant dans un cercle vicieux dont héritera le choix présidentiel : la retraite capitalisée lie objectivement les intérêts du petit peuple des usagers aux bonnes fortunes de la finance.
La démonstration de Lordon le met en lumière:
Organiser délibérément l’attrition (2) de la répartition (sous couleur bien entendu de ne penser qu’à la sauver) pour mieux renvoyer les cotisants vers des formules complémentaires de capitalisation privée, en d’autres termes créer artificiellement le problème (du public) pour mieux y apporter la solution déjà prête (du privé), et par là mettre en place toutes les incitations à une substitution de long terme parfaitement silencieuse mais qui aboutira inexorablement à faire transiter une part croissante du financement des pensions par la sphère des marché...
Par une analyse claire et sans appel des rouages du système réformé des retraites, Lordon montre comment l'usager se trouve pieds et poings liés à la finance, vivant sur le dos des entreprises, faisant directement ses profits sur la productivité des salariés. Et ce salarié, ou ce retraité , se retrouvera sans plus aucun recours ni possibilité de s'opposer à la finance sans scier la branche sur laquelle on l'a posé. Car en cas de crise en dernier ressort, c'est lui, devenu actionnaire et créancier, à qui on demandera de payer...
Par un diabolique effet de court-circuit, le salariat se trouve placé aux deux extrémités de la chaîne, ainsi devenue boucle./. on verra alors un petit peuple de salariés-épargnants totalement ignorants de ce qui est fait de leurs avoirs, et par là d’ailleurs exclusivement (et compréhensiblement) concernés par la rentabilité de leurs placements – et tant pis si c’est l’entreprise de leur voisin qui est restructurée, de toute façon ils ne le sauront pas.
C'est ce que Lordon nomme "l'ultime et décisif verrou de la retraite financiarisée".
Voilà donc le simplissime secret de ce qu’on pourrait appeler l’économie politique de la financiarisation : à quoi la finance carbure-t-elle en effet sinon… à l’épargne ? Et d’où viendra majoritairement l’épargne une fois les masses énormes des pensions jetées dans la bataille sinon… des salariés eux-mêmes ? Collectivement opprimés à leur frais comme salariés alors qu’ils essayent tous de défendre individuellement leurs intérêts comme pensionnés !
Au nom du devoir sacré des retraites à verser, voire même, au nom de la solidarité (...!), il y a ainsi fort à parier que les fonds de pensions feront avaler des couleuvres aux salariés impuissants. Ceux-ci, déjà accablés par l'emprise de la finance sur leur travail, poursuivront leur ruine en tant que retraités asservis à la capitalisation. Tout est lié même si beaucoup le nient. Et l'entreprise de démolition générale a maintenant de longues décennies derrière elle, tous gouvernements confondus.. Au bout d'un moment ça commence à bien faire... L'économiste le dit:
Mais la retraite est peut-être leur « pont trop loin », où se mêlent tout à la fois le refus d’une réforme inique, le rejet d’un pouvoir politique insupportable, mais aussi le dégoût absolu du spectacle de la finance, la contestation frontale sinon du capitalisme lui-même du moins de sa forme présente, et pour finir la défense d’une certaine forme de vie.
Et Lordon de terminer sa brillante analyse en citant Gérard Mordillat « La France n’a pas besoin de réformes, elle a besoin d’une révolution ».. (3)
(1) L'intégralité du texte sur fsl56.org.
(2) usure, effritement, désagrégation.
(3) préface de G. Mordillat à la réédition du Capital de K. Marx
On ne négocie pas le recul social.
La popu/lasse est dans la rue.
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